Par Céline CORNU LILLE (AFP)
La société Alstom Power Boilers, jugée depuis jeudi à Lille pour ne pas avoir respecté la législation sur l’amiante entre 1998 et 2001 sur son site de Lys-lez-Lannoy (Nord), a été sérieusement mise en cause vendredi par l’inspection du travail et par d’anciens salariés.
“On n’a jamais mis en garde les salariés contre les dangers de l’amiante” en dehors de février 2001, affirme à l’audience Denise Quintart, inspectrice du travail, dont le rapport a été à l’origine de l’enquête sur Alstom Power Boilers, poursuivi pour “mise en danger de la vie d’autrui” devant le tribunal correctionnel.
L’amiante était dans les joints, les freins des ponts roulants, entre les briques d’un four, énumère-t-elle, en se basant sur l’inventaire réalisé en août 2001 à sa demande. Certains matériaux amiantés “s’effritaient” et étaient ainsi susceptibles de dégager des fibres d’amiante, précise-t-elle.
Preuve de leur importante présence, la décontamination du site, amorcée en avril 2002, “va durer une bonne année”, souligne Mme Quintart. Pourtant, en 1997, rapporte-t-elle, un responsable de l’entreprise lui avait affirmé: “Il y a eu de l’amiante, mais il n’y en a plus, on l’a éradiquée”.
L’inspectrice du travail rapporte aussi la destruction “sauvage” par des salariés en 1998 d’un four, qui contenait de l’amiante selon elle, “sans qu’il n’y ait eu particulièrement de précaution prise”.
Appelant à la barre l’un des salariés, Charles Lepers, qui travaillait près d’un four où la présence d’amiante est avérée, le président du tribunal Christophe Courtalon l’interroge: “Avez-vous reçu une notice d’instruction” prévenant des dangers de l’amiante?
- “Absolument rien”
- “Une formation spécifique?”
- “Absolument rien”
Pas trace non plus de protection spécifique: “On travaillait en bleu de travail”, raconte M. Lepers, en précisant que des procédures internes prévoyaient explicitement l’utilisation de “toiles d’amiante pour calorifuger”.
Même pour l’une des activités les plus sensibles, la soudure de tubes avec des pinces contenant de l’amiante, la protection était nulle, raconte Sylvain Stanesco, élu au CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).
Et les déchets d’amiante, qui “jonchaient le sol”, étaient, selon lui, “balayés” et “jetés dans une poubelle ordinaire, sans aucune précaution”.
Bernard Gomez, le dernier directeur du site de Lys poursuivi en tant que personne physique, a déclaré qu’il ne “(niait) pas qu’il y avait de l’amiante”, mais qu’il n’avait “pas fait prendre de risque au personnel”. A plusieurs reprises, il a pointé du doigt le CHSCT, qui aurait dû agir, selon lui.
Mais “c’est de la responsabilité du chef d’établissement de faire respecter la réglementation”, lui a rétorqué le président Christophe Courtalon.
Evoquant les ouvriers du service maintenance, qui apparaissent particulièrement exposés, M. Gomez a estimé avoir “pris toutes les dispositions dès que les événements ont été portés à (sa) connaissance”. “Avant, je ne pouvais pas les prendre”, a-t-il déclaré.
Prévu initialement pour se dérouler sur deux jours, le procès se poursuit lundi et pourrait encore être prolongé.