Ces chauffeurs de bus qui cachent leur retrait de permis

Par : Delphine de Mallevoüe

Leurs employeurs ne sont pas autorisés à contrôler leurs points. Une faille pour la sécurité, comme le montrent de récents accidents de la route.

Le chauffeur de bus qui a fauché cinq personnes, dont deux adolescents de 13 et 14 ans, vendredi soir à Grigny (Essonne) avait fait l’objet d’un retrait de permis de conduire en septembre dernier. Cette affaire met en évidence les failles d’un système qui n’éta blit pas de connexion entre l’usage personnel et professionnel du capital de points d’un automobiliste. Au point que certains professionnels peuvent dissimuler à leur employeur l’interdiction qu’ils ont de prendre le volant. En effet, au nom du respect des libertés individuelles, la loi n’autorise pas un employeur, fût-il d’une société de transport public ou scolaire, à accéder à «l’état des lieux» du permis de ses employés. Dans le cas de l’accident de Grigny, le chauffeur avait perdu ses points au volant de sa voiture personnelle, à la suite d’excès de vitesse. Tout comme cet autre conducteur de bus du réseau urbain d’Annecy (Haute-Savoie) qui vient d’être licencié après que sa direction s’est aperçue que son permis de conduire était annulé depuis six mois pour alcoolisme.

Pour éviter ce genre d’écueil, la seule possibilité pour les employeurs est de «demander à leur salarié de produire le certificat médical qui est délivré tous les cinq ans aux chauffeurs de poids lourds et de transports en commun au terme de leur visite obligatoire, explique un employé de préfecture, ou bien de vérifier s’ils ont leur permis en poche.» Car, après s’être vu notifier le retrait de leur permis, les fautifs ne sont plus censés en disposer. Ils doivent en effet restituer leur papier rose en préfecture, dans un délai de dix jours. Une obligation à laquelle le chauffeur de Grigny s’était plié, contrairement à d’autres qui, après deux rappels, voient les services de gendarmerie frapper à leur porte pour s’en emparer en main propre.

L’autre possibilité pour l’employeur est d’ajouter une clause au contrat de travail, obligeant le salarié à fournir un «relevé intégral» tous les ans, par exemple, c’est-à-dire une attestation de préfecture mentionnant le solde de points. Ce qui était précisément le cas pour le réseau Tice, la société qui emploie le chauffeur de Grigny, puisqu’elle oblige ses salariés à cette vérification tous les six mois.

Vide juridique

Contrôlé juste avant son retrait de permis, le chauffard est passé entre les gouttes, la prochaine échéance étant prévue en mars. Un vide juridique dont convient Pierre Gustin, délégué général de l’Association prévention routière. «Même s’il ne faut pas généraliser, dit-il en rappelant que sur les 40 millions de personnes qui ont le permis, moins de 2 pour 1 000 en sont privés, on pourrait envisager de changer la loi pour que les entreprises de transport public aient au moins accès à ces informations.»

L’enquête sur l’accident de Grigny se poursuit. Dimanche, le chauffeur a été mis en examen puis écroué pour «blessures involontaires avec circonstance aggravante d’absence de permis». Selon le commissariat d’Évry, le quadragénaire n’était «pas sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants». Bloqués quarante-cinq minutes sous ce bus de 18 m de long, les deux adolescents s’en sortent avec un pouce cassé et une fracture de la jambe.

Source : Le Figaro