PARIS (AFP) – Jours qui raccourcissent, ensoleillement réduit, grisaille: l’arrivée de l’hiver est souvent cause de morosité, de “coup de blues”, mais peut aussi entraîner une véritable maladie, la dépression saisonnière.
Il s’agit d'”une vraie maladie avec une atteinte dans le fonctionnement de l’individu socialement et professionnellement”, explique le Dr Claude Gronfier, spécialiste des rythmes biologiques au département de Chronobiologie de l’Unité Inserm 371 à Bron, près de Lyon.
La prévalence de la dépression saisonnière, dont la forme la plus fréquente est la dépression hivernale, est estimée entre 0,5% et 3% de la population mondiale. Mais un grand nombre de cas ne seraient pas diagnostiqués.
On parle de dépression saisonnière en présence de trois critères cliniques: épisode dépressif majeur, survenue récurrente de cet épisode en automne ou hiver (au moins deux hivers consécutifs) avec rémission au printemps ou en été, et absence d’autres désordres psychiatriques.
Cette maladie présente les symptômes de la dépression (troubles de l’humeur, du sommeil, perte d’énergie), avec deux caractéristiques: hypersomnie et hypersomnolence, hyperphagie (grande envie de manger) avec attrait pour le sucré.
“Les antidépresseurs fonctionnent, mais le traitement de choix à l’heure actuelle devrait être la photothérapie”, indique Claude Gronfier.
Si la dépression saisonnière comporte encore de nombreuses inconnues, une des hypothèses est qu’elle apparaît lorsque la durée du jour -la photopériode- diminue, donnant à penser que l’horloge biologique est impliquée.
L’horloge biologique est une petite structure localisée dans le cerveau qui imprime son rythme à notre organisme. Elle régule notamment la sécrétion de la mélatonine, “hormone de la nuit”, et le cycle veille-sommeil.
“On pense qu’environ 95% de la population possède une horloge qui a un rythme compris entre 23H30 et 24H30, explique Claude Gronfier. C’est par le biais du cycle lumière-obscurité qu’on est maintenu en synchronie à la journée de 24 heures”.
Or l’intensité de la lumière naturelle et celle de l’éclairage artificiel sont incomparables: l’intensité lumineuse à l’extérieur à midi peut atteindre 100.000 lux, alors que l’éclairement d’une pièce d’habitation se situe entre 150 à 200 lux.
“La raison pour laquelle on utilise la photothérapie dans le traitement des troubles chronobiologiques et de la dépression saisonnière repose sur la propriété de l’horloge biologique à être remise à l’heure par la lumière. On pourrait considérer la lumière comme un médicament”, poursuit le chercheur.
Le traitement par photothérapie ou luminothérapie doit être suivi scrupuleusement. “Les recommandations internationales sont une exposition quotidienne de 30 minutes à une lumière 10.000 lux pendant un minimum de 15 jours”, indique Claude Gronfier. L’exposition doit se faire au réveil, tous les jours à la même heure, en fonction du chronotype du patient.
Le traitement peut être suivi en milieu hospitalier ou à domicile avec des appareils prêtés ou loués.
Pour être efficace, l’intensité lumineuse doit être suffisante. Mais la lumière n’est pas sans danger: elle peut avoir un effet sur la rétine et sur la peau. Le chercheur met donc en garde contre une utilisation sans avis médical.
“La recherche travaille à améliorer ces traitements, pour éventuellement réduire la durée d’exposition et optimiser la qualité de la lumière”, indique-t-il. “On voit maintenant apparaître la lumière bleue plutôt qu’une lumière blanche. Ce sont des pistes intéressantes, mais le principe de précaution doit prévaloir, conclut-il. Aucun de ces nouveaux systèmes n’a encore été évalué cliniquement”.