Les heures de délégation

Par : Gérard BREGIER

Présentation générale

Le temps prévu par la loi pour permettre aux représentants du personnel au CHSCT de remplir les missions qui leur sont fixées, constitue un des moyens de fonctionnement essentiels. Ce moyens plus important en quantité qu’il ne peut sembler au premier abord augmente et souligne la responsabilité du représentant du personnel au CHSCT vis-à-vis de ses missions. Dans le cadre de son contingent d’heures, le représentant du personnel à toutes liberté de circulation dans et hors de l’établissement.

Le point juridique sur la question (textes, circulaire, jurisprudence)

L’article L. 236-7 du code du travail dispose que : ” Le chef d’établissement est tenu de laisser à chacun des représentants du personnel au CHSCT, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. Ce temps est au moins égal à deux heures par mois dans les établissements occupant jusqu’à 99 salariés, cinq heures par mois dans les établissements occupant de 100 à 299 salariés, dix heures par mois dans les établissements occupant de 300 à 499 salariés, quinze heures par mois dans les établissements occupant de 500 à 1499 salariés, vingt heures par mois dans les établissements occupant 1500 salariés et plus. Ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles “. La formulation n’est pas anodine. En effet pour les heures des élus au CE le législateur emploie la phrase : ” Le chef d’entreprise est tenu de laisser aux membres titulaires du comité d’entreprise et, dans les entreprises de plus de cinq cents salariés , aux représentants syndicaux au comité d’entreprise prévus à l’article L. 433-1, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions dans la limite d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder vingt heures par mois “. La formulation et beaucoup moins restrictive en ce qui concerne le CHSCT pour lequel le législateur parle d’une part d’un temps nécessaire et d’autre part d’un contingent d’heures variable en fonction des effectifs. Ce temps laissé aux représentant du personnel et dont le contingent est limité, sera encore majoré de 30 % dans les établissements comprenant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l’article L. 515-8 du code de l’environnement ou visée à l’article 3-1 du code minier. Le temps laissé à chacun des représentants du personnel au CHSCT, pour assurer ses fonctions est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale. En cas de contestation par l’employeur de l’usage fait du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente.

Lorsque dans un même établissement sont créés plusieurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les conditions prévues à l’article précédent, les heures attribuées aux représentants du personnel selon les modalités du premier alinéa ci-dessus sont calculées en fonction de l’effectif de salariés relevant de chaque comité.

Les représentants du personnel peuvent répartir entre eux le temps dont ils disposent ; ils en informent le chef d’établissement.

Le temps passé aux réunions, aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave, ou à la recherche de mesures préventives dans toute situation d’urgence et de gravité, notamment lors de la mise en oeuvre de la procédure de danger grave et imminent prévue à l’article L. 231-9, est également payé comme temps de travail effectif et n’est pas déduit des contingent d’heures qui sont alloués en fonction des effectifs.

Les recommandations tactiques et/ou stratégiques

Il y a lieu de considérer d’une part le temps déduit du contingent ou quota d’heures fixé limitativement. et d’autre part le temps non déduit de ce contingent ou quota.

Le temps déduit du contingent ou quota d’heures fixé limitativement peut être dépassé, mais seulement en cas de circonstances exceptionnelles. Les textes ne précisent pas ce que sont ces circonstances exceptionnelles, mais la jurisprudence a fixé que c’est au salarié qui en demande rémunération d’établir l’existence de circonstances justifiant, eu égard aux fonctions confiées par la loi, un dépassement des heures de délégation ainsi que la conformité de ce dépassement à sa mission. Il y a une façon efficace et difficilement contestable à posteriori à notre avis, pour établir l’existence de ces circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement du quota pour l’accomplir les missions confiées par le législateur : C’est de constater par une résolution adoptée en réunion du CHSCT l’existence de ces circonstances exceptionnelles qui vont justifier un dépassement du quota motivé par la nécessité d’accomplir les missions du CHSCT précisé à l’article L. 236-2 du code du travail. L’employeur devra en cas de désaccord, contester devant le Président du Tribunal de Grande Instance le bien-fondé de la résolution du CHSCT. Il est a noté que la quantité de temps supplémentaire justifiée par les circonstances exceptionnelles ne peut être fixée à l’avance par les représentants des salariés sauf accord de l’employeur sur une durée maximum ajoutée au contingent d’heures.

Le temps pour les inspections

Les occasions, pour lesquelles le temps ne sera pas déduit du quota ou contingent d’heures fixé, sont énumérées de façon limitative par le législateur. Ce dernier a “oublié” le temps nécessaire à la réalisation des inspections. Nous disons “oublié” car il est évident que pour certains établissement le temps nécessaire à la réalisation de l’inspection est largement supérieur à celui prévu dans le cadre du quota. Il s’agit donc bien d’une erreur que le législateur n’a pas réparée.

L’employeur qui cherche des ennuis pourra donc déduire ce temps du quota d’heures limitées.

Cependant, les représentants du personnel qui auraient utilisé complètement leur quota mensuel d’heures, avant la réalisation de l’inspection prescrite, seraient eux à même de demander une réunion supplémentaire d’urgence du CHSCT (conformément à l’article L. 236-2-1 donc signée de deux représentants du personnel) avec comme ordre du jour l’examen des circonstances qui les ont justement amenés à utiliser leurs heures dans le cadre de leur mission et donc de déterminer si il y a dans cette occasion des circonstances exceptionnelles leur permettant de dépasser la limite du quota, pour accomplir la mission d’inspection prescrite de façon impérative par le code du travail. Nous sommes convaincus que le plus procédurier des employeurs laisserait tomber cette pratique avant la troisième réunion supplémentaire.

Justification de l’usage des heures

La justification de l’emploi du temps laissé, par l’employeur, aux représentants du personnel est aussi un sujet assez polémique. L’employeur a bien sûr le droit de demander (demander, on a toujours le droit) aux représentants du personnel de justifier l’usage qu’ils ont fait de leurs heures prises dans ou hors quota. Le représentant du personnel peut répondre sans craintes particulière mais sans détails particuliers que ses heures ont bien été prises dans le cadre des attributions et missions à lui confiées par le législateur.

Mais, les représentants du personnel au CHSCT ont intérêt, pour leur part, à tenir à jour un état précis du temps qu’il ont passé et à quoi ils l’ont passé. Ils ont aussi intérêt à prévoir aussi le plus de justificatifs possible de l’emploi de ce temps (des bon préparés à l’avance peuvent être signés par exemple). En effet, en cas de de contestation par l’employeur de l’usage fait du temps alloué, il doit saisir la juridiction compétente. Le représentant du personnel devra alors répondre devant le juge de cet usage du temps. Cette simple pratique, si elle est mise en place, dissuadera le plus procédurier des employeurs de saisir le juge.

Source : Site de Gérard BREGIER