Par : Gérard BREGIER
Présentation générale
L’une des quatre grandes missions du CHSCT (voir les Missions du CHSCT), c’est qu’il doit veiller à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires faites à l’entreprise, en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.
Par le simple respect des textes, lois ou décrets, de nombreux accidents, de nombreuses maladies professionnelles auraient pu être évités. Pourtant, ils ne sont pas nombreux les CHSCT qui s’acquittent réellement de cette mission que la loi leur confie. Nous allons donc nous pencher un peu sur cette question notamment en différenciant les outils que sont l’audit de sécurité, la visite, la tournée syndicale et l’inspection dans le sens de l’article L. 236-2 du code du travail.
Le point juridique sur la question (textes, circulaire, jurisprudence)
L’article L.236-2 donne à la fois aux représentants du personnel au CHSCT :
- mission de « veiller à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail ;
et mission de procéder à des inspections.
Selon l’article L. 236-7, alinéa 5, du Code du travail, est payé comme temps de travail effectif sans être imputé sur le crédit d’heures attribué, en vertu de l’alinéa 1er du même texte, à chacun des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le temps passé par ceux-ci aux réunions, aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave, ou à la recherche de mesures préventives dans toute situation d’urgence ou de gravité.
N’entre pas dans ces prévisions le temps consacré par ces salariés aux inspections périodiques effectuées en application de l’article L. 236-2, alinéa 3, du Code précité, lesquelles procèdent des missions ordinaires du comité, hors toute urgence ou gravité.
Cour de Cassation. Chambre criminelle. Audience publique du 17 février 1998. N° de pourvoi : 96-82118.
Les recommandations tactiques et/ou stratégiques
Les missions d’inspection
La visite d’un atelier ou d’un service est une pratique courante dans le fonctionnement des CHSCT. L’inspection, elle, est une pratique beaucoup plus rare.
Il est vrai que, nous le constatons souvent, le manque de rigueur sur l’emploi des appellations entraîne une certaine confusion des pratiques. En fait, il faut bien différencier l’audit sécurité, la tournée syndicale, la visite et l’inspection. Chacune de ces pratiques a son intérêt, sa méthodologie et ses limites.
L’audit sécurité
C’est dans le cadre de la mise en ?uvre de la fonction sécurité de l’entreprise que les directions sont amenées à promouvoir la réalisation d’audits internes ou externes.
L’auditeur, payé par l’établissement, va donc vérifier sur le terrain le degré de mise en ?uvre de la politique de sécurité définie par la Direction de l’établissement. Les vérifications porteront indistinctement sur le respect de textes législatifs ou réglementaires, comme sur le respect de consignes de sécurité ou de procédures propres à l’établissement. L’audit sera le plus souvent documenté, c’est à dire que l’auditeur aura un guide d’audit lui permettant de ne pas oublier les points jugés essentiels par le décideur.
Les membres du CHSCT peuvent, comme tous les salariés de l’établissement, être amenés à effectuer des audits sécurité, mais ce n’est pas en tant que membre du CHSCT. Le CHSCT n’a pas, en tant que tel, la mission de participer à la mise en ?uvre de la politique décidée par le chef d’établissement.
La tournée syndicale
Syndicalement, la tournée syndicale est certainement irremplaçable. Même si elle n’est pas toujours facile à mettre en ?uvre, la tournée syndicale reste une pratique efficace pour rencontrer les salariés et animer le débat syndical au sein de l’établissement.
La tournée syndicale peut certainement aborder avec avantage les questions liées à l’amélioration des conditions de travail. Mais la tournée syndicale n’est pas une des missions prévues par le législateur pour le CHSCT.
La visite
Tout d’abord, en général, lorsque nous «visitons », c’est essentiellement dans le cadre du temps libre : les touristes visitent les lieux pittoresques (et même des usines) ; les amis se rendent visite. Mais normalement les salariés ne visitent pas les postes de travail, ils y travaillent !
Ensuite, lorsque nous sommes en visite, nous sommes les obligés de celui qui nous accueille. Nous suivons le guide ou la maîtresse de maison… Il existe même une sorte de «hiérarchie de la politesse» qui nous place naturellement en dessous du propriétaire des lieux visités. Lors des visites, nous suivons un guide et ce dernier possède quelque autorité sur les visiteurs… En effet, il possède la connaissance, il peut donc expliquer mais aussi dicter des règles de bonne conduite.
Enfin, les salariés qui sont visités sont, eux, ramenés à l’état de curiosités objets de visites…
Ils voient défiler dans leurs ateliers des gens qui sont rarement en tenue de travail (et quand c’est le cas, ils arborent des signes extérieurs qui montrent clairement qu’ils ne sont pas là pour travailler…). Ceux qui visitent sont soit inquisiteurs, soit condescendants et quelques fois les deux ! Les élus qui participent à des visites sont, dans les faits, marginalisés par rapport aux travailleurs qui sont visités.
L’appellation « visite » est aussi souvent employée par les inspecteurs du travail, mais pour eux ce n’est pas si grave, car dans les faits ils font bien des inspections. Les membres de CHSCT par contre, lorsqu’ils utilisent le terme de visite, mélangent souvent tournées syndicales, audits et inspections. Ce qui aboutit trop souvent à des pratiques aussi désordonnées qu’inefficaces.
L’inspection
Les rapports qui s’établissent entre celui qui inspecte et celui qui est inspecté sont très différents de ceux qui ont cours dans une visite.
Celui qui est inspecté doit se plier aux demandes de l’inspecteur. Le «rapport hiérarchique de politesse» est en faveur de l’inspecteur.
C’est l’inspecteur qui a l’initiative, il sait précisément ce qu’il vient contrôler (le respect, par l’employeur, des textes législatifs et réglementaires pris dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail). L’inspecteur possède aussi la maîtrise du temps. Il peut toujours pousser son contrôle plus dans le détail ou décider que cela lui suffit et arrêter son inspection… Par rapport aux salariés dont les ateliers sont inspectés, le membre du CHSCT a alors la qualité d’un point d’appui. Le pouvoir de sa fonction est un contre-pouvoir, celui donné aux salariés par les institutions représentatives du personnel.
Par cette mission d’inspection, les représentants du personnel au CHSCT sont de fait dans le même rôle de contrôle que l’inspecteur du travail. En effet, si le Code du Travail prévoit une mission d’inspection, c’est un des moyens pour que le CHSCT «veille à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en la matière».
Cela n’empêche pas qu’une inspection, cela se prépare… Les membres du CHSCT doivent se donner les moyens d’inspecter.
Premièrement, il faut posséder les textes applicables à ce que l’on veut inspecter. Deuxièmement, il faut choisir à l’avance les points sur lesquels portera le contrôle. L’obtention des informations nécessaires sera donc un objectif stratégique préalable à l’inspection elle-même.
La question peut se poser de savoir si le CHSCT peut attaquer en justice l’employeur qui met en péril la santé ou la vie des salariés en ne respectant pas les textes législatifs et/ou réglementaires pris en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail dont la loi donne mission aux CHSCT de veiller à leur application.