Introduction
Le stress, les risques et les troubles psychosociaux font partie du quotidien de notre société. Ils sont donc également présents au travail. C’est ce que montre de façon extrême l’actualité récente, avec des salariés de grandes entreprises qui se sont suicidés sur leur lieu de travail ou qui ont expliqué leur geste par leurs conditions de vie au travail.
Cette dramatique actualité questionne toutes les entreprises sur la prévention de l’acte suicidaire. Quelles analyses a priori peut-on faire ? Comment se mobiliser collectivement pour empêcher des dénouements aussi dramatiques ?
Chacun se trouve interpellé par un suicide ou une tentative de suicide en relation avec le travail : collègues de travail, encadrement, dirigeants, instances représentatives du personnel. Aurait-on pu prévoir ou aider ? Qui est responsable ? Est-ce le travail lui-même, son contenu, ses conditions de réalisation ? Quelle interdépendance entre problèmes personnels et problèmes professionnels ? Quelles actions doit-on conduire pour que de tels gestes ne se reproduisent pas ?
C’est avant tout par la mise en place d’une réflexion collective que seront identifiés les facteurs du travail et de son organisation qui concourent au stress et à la survenue de risques psychosociaux.
Points clés d’une prévention collective dans l’entreprise :
- Mettre en commun les approches des différents acteurs et accompagner ceux-ci pour monter en compétences dans ce domaine.
- Restaurer des espaces de dialogue, de régulation, de coopération .
- Elaborer un repérage des signes précurseurs.
- Identifier à priori les risques.
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Données chiffrées
La DREES (Direction de la Recherche, de l’Evaluation, des Etudes et des Statistiques) publie les données fournies par l’INSERM et le CépiDC.
La France compte entre 10 500 et 11 000 suicides par an toutes origines confondues. Ce niveau est à peu près stable depuis 5 ans. Le nombre de tentatives de suicides est évalué à un peu moins de 200 000 chaque année. (source : “Suicides et tentatives de suicide en France” – DREES – coll. Etudes et résultats, n° 488, mai 2006)
Aucune étude ne recense les causes imputables au travail. Seule une étude réalisée en Basse-Normandie en 2003, à l’initiative de la féderation française de santé au travail, laisse poindre le chiffre possible de 300 à 400 suicides annuels imputables au travail.
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Une approche collective de la prévention
Comment identifier les facteurs du travail et de son organisation qui concourent au stress et à la survenue de risques psychosociaux.
Mettre en commun les approches des différents acteurs et les accompagner pour monter en compétence sur ce domaine
- Le médecin du travail et l’infirmière du travail, professionnels de santé, reçoivent les personnes individuellement
- Le DRH détient une grande partie des biographies de chacun.
- Les instances représentatives du personnel dont le rôle est aussi d’entendre les plaintes et de les relayer sous une forme analytique.
- L’encadrement par son rôle de proximité peut être déterminant dans sa mission de régulation (attention cependant aux consignes contradictoires dans sa mission).
- Les collègues de travail (l’équipe, le groupe, le collectif) parce que c’est là que le soutien s’exercera d’abord.
Restaurer des espaces de dialogue, de régulation, de coopération.
Sur ce sujet, la quatrième enquête européenne de La Fondation de Dublin montre que la France prend du retard par rapport à ses voisins européens.
- Les personnes en difficulté sont souvent dans des postures de repli, de retrait qui éloignent de l’échange, du partage avec les autres.
- Un constat fréquent à propos du suicide au travail impute ses origines au manque de dialogue sur les lieux de travail. La structuration de nombreux collectifs de travail a évolué et ne fournit plus l’appui naturel aux plus fragiles.
Un travail conjoint peut porter sur le repérage des signes précurseurs
- Le préalable est de s’accorder sur des indicateurs à suivre régulièrement, comme l’absentéisme, les dépassements d’horaires des journées de travail, les congés déplacés dans un compte épargne-temps, des refus d’aller en formation, des absences à des réunions.
- A titre d’exemple, une équipe interne d’écoute peut être mise en place, garantissant la confidentialité au salarié. Le contrôle ou le pilotage de cette cellule pourrait être paritaire.
- Les premiers signaux d’alerte (indicateurs ou cellule d’écoute) permettront de déclencher une réaction (enquête, entretiens, observations, etc.).
- Par ailleurs, la fonction de “sentinelle” doit être identifiée. Selon les entreprises ce sera un ancien ou le cadre de proximité ou encore le secouriste.
- Les risques psychosociaux sont souvent le reflet d’une défaillance de l’humain dans des organisations tournées vers la production. La fonction de “sentinelle” contribue à réinstaller la dimension humaine dans l’entreprise, à condition toutefois qu’elle respecte les règles de confidentialité.
- L’écoute et l’accompagnement des situations de fragilité – dues au travail ou non – peuvent éviter certains drames. “Parfois il faut savoir écouter ceux qui n’ont rien à dire” B.SAHLER in “Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail” – Editions Anact – 2007)
Le Document Unique de prévention des risques et son plan d’action associé permettront de construire le dispositif d’alerte dans l’entreprise
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En cas de drame, comment agir ? Préconisation de l’OMS
Quelles que soient les intrications entre vie personnelle et vie professionnelle qui sous-tendent l’acte, le fait d’un lien – même ténu – avec le travail oblige à l’action.
Quelle attitude adopter ?
- La confiance a été perdue, la victime a retourné la violence contre elle-même. Cet acte majeur est bouleversant affectivement et socialement d’une amplitude que l’on aurait tort de sous-estimer. Le bouleversement fera ressentir ses effets durant une longue période. Les proches (collègues, équipiers, amis dans l’entreprise de la victime) doivent être accompagnés. Il faut proposer un espace pour la parole. Le rôle du médecin du travail est déterminant. C’est avec lui que cet espace doit se construire. Attention aux n° verts sans lendemain, le remède serait pire que le mal
- Ensuite il faut agir dans la durée. Si le drame s’est produit l’entreprise doit faire l’hypothèse que des tensions n’ont pas été détectées et que les signaux susceptibles de les révéler n’ont pas été perçus.
- Les résultats de l’analyse et surtout des transformations (corrections) qui auront lieu doivent être portés à la connaissance de tous ainsi que le suivi qui en sera fait.
- La parole, la transparence sont les meilleures armes pour éviter l’épidémie. Chacun détient une responsabilité : il ne s’agit ni de nier, ni d’exploiter le lien avec le travail.
- Après un tel événement le changement sur la restauration de l’écoute, de la prise en compte des difficultés des uns et des autres pour réaliser dans de bonnes conditions leur travail doit devenir véritablement palpable, visible. C’est le meilleur atout pour reconquérir la confiance.
Quelles actions concrètes conduire ?
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) apporte des préconisations :
Préventivement
- Créer une culture d’ensemble pour la santé au travail
- Apprendre à détecter les signes annonciateurs
- Le soutien managérial
- Favoriser le soutien des collègues
En cas de suicide
- Neutraliser la zone du décès et faire l’appel immédiat aux responsables locaux, personnels d’urgence, police, officier judiciaire…
- Communiquer vers les collègues d’une façon transparente et honnête sur les circonstances de la mort sans nécessairement s’appesantir sur les détails.
- Donner une information détaillée à tous sur le suicide en général et ses différents facteurs de risque
- Rendre un hommage approprié au défunt
- S’assurer que les collègues du défunt “gèrent correctement leur peine, leurs émotions (culpabilité, colère…)
- Identifier et transmettre la liste des personnes considérées comme plus vulnérables et pouvant nécessiter un accompagnement professionnel a travers un programme d’aide adapté, pour limiter le risque de “contagion”
- Analyser les facteurs organisationnels et managériaux qui ont pu contribuer à la survenue du drame, et proposer des mesures de changements dans ces domaines.
- Intégrer ces informations pour enrichir le programme de prévention des risques et de promotion de la santé.
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Pour aller plus loin
Quelques références bibliographiques
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- CHANLAT (Jean-François) – ”L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées”, EDITIONS ESKA, 2000, 842 pages (collection Sciences de l’administration)
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- DE WAELE (Martin), KITOUS (Bernhard) – ”L’autre management : conflits, violences, identités”, EDITIONS L’HARMATTAN, 2005, 317 pages
- DUBET (François), CAILLET (Valérie), RAULT (Françoise), et al. – ”Injustices : l’expérience des inégalités au travail”, EDITIONS DU SEUIL, 2006, 499 pages
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- GOURNAY (Maryvonne), LANIECE (Françoise), KRYVENAC (Isabelle) – ”Etude des suicides liés au travail en Basse-Normandie”, DRTEFP BASSE NORMANDIE, 06/2003, 11 pages
- GROSJEAN (Vincent), RIBERT-VAN DE WEERDT (C.) – ”Vers une psychologie ergonomique du bien-être et des émotions : les effets du contrôle dans les centres d’appels”, LE TRAVAIL HUMAIN, n° 4, 12/2005, pp. 355-378
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- JAUVIN (Nathalie), VEZINA (Michel), BOURBONNAIS (Renée), DUSSEAULT (Julie) – ”Violence interpersonnelle en milieu de travail: une analyse du phénomène en milieu correctionnel québécois”, PISTES, n° 1, 05/2006, 25 pages
- MOLINIER (Pascale) – ”Les enjeux psychiques du travail : introduction à la psychodynamique du travail”, BIBLIOTHEQUE PAYOT, 2006, 335 pages (collection Petite bibliothèque Payot, n° 581)
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- POITOU (Philippe) – ”Souffrances : le coût du travail humain”, EDITIONS L’HARMATTAN, 2005, 192 pages (collection Questions contemporaines)
- SAHLER (Benjamin), BERTHET (Michel), DOUILLET (Philippe), MARY CHERAY (Isabelle) – ”Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail”, EDITIONS DE L’ANACT, 2007, 268 pages
- ”Souffrance mentale au travail”, INSTITUT NATIONAL DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE, 04/2006, 28 pages (collection Les cahiers de l’INTEFP)
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