L’AMDE et l’AMDEC

1. – HISTORIQUE ET DOMAINE D’APPLICATIONS

L’analyse des Modes de Défaillance et de leurs Effets (AMDE) a été employée pour la première fois dans le domaine de l’industrie aéronautique durant les années 1960.
Son utilisation s’est depuis largement répandue à d’autres secteurs d’activités telles que l’industrie chimique, pétrolière ou le nucléaire. De fait, elle est essentiellement adaptée à l’étude des défaillances de matériaux et d’équipements et peut s’appliquer aussi bien à des systèmes de technologies différentes (systèmes électriques, mécaniques, hydrauliques…) qu’à des systèmes alliant plusieurs techniques.
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2. – PRINCIPES

L’analyse des Modes de Défaillance et de leurs Effets repose notamment sur les concepts de :

  • Défaillance, soit la cessation de l’aptitude d’un élément ou d’un système à accomplir une fonction requise,
  • Mode de défaillance, soit l’effet par lequel une défaillance est observée sur un élément du système,
  • Cause de défaillance, soit les évènements qui conduisent aux modes de défaillances,
  • Effet d’un mode de défaillance, soit les conséquences associées à la perte de l’aptitude d’un élément à remplir une fonction requise.

En pratique, il est souvent difficile de bien distinguer ces différentes notions. La maîtrise de ce vocabulaire est néanmoins primordiale pour une bonne utilisation de cet outil.
Pour illustrer ces différents concepts, prenons l’exemple d’une pompe. Dans des conditions normales d’exploitation, la fonction de cette pompe est sera définie comme son aptitude à fournir un débit donné à sa sortie. Si le débit en sortie de pompe est nul, nettement inférieur ou supérieur à ce débit défini, la pompe sera dite « défaillante ». Si, en cours d’exploitation, la pompe s’arrête de façon non désirée, on assistera bien à une défaillance de la pompe. Le fait que la pompe s’arrête constitue donc un effet par lequel une défaillance est observée ; il s’agit d’un mode de défaillance.
La coupure de courant qui a entraîné l’arrêt de la pompe sera alors définie comme une des causes de ce mode de défaillance. L’arrêt de l’approvisionnement du réacteur alimenté par cette pompe suivie d’une dégradation du produit de synthèse constitueront des conséquences de cette défaillance.
L’AMDE est une méthode inductive d’analyse qui permet :

  • d’évaluer les effets et la séquence d’évènements provoqués par chaque mode de défaillance des composants d’un système sur les diverses fonctions de ce système,
  • Déterminer l’importance de chaque mode de défaillance sur le fonctionnement normal du système et en évaluer l’impact sur la fiabilité, la sécurité du système considéré,
  • Hiérarchiser les modes de défaillances connus suivant la facilité que l’on a à les détecter et les traiter.

Lorsqu’il est nécessaire d’évaluer la criticité d’une défaillance (probabilité et gravité), l’Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC) apparaît comme une suite logique à l’AMDE. L’AMDEC reprend en effet les principales étapes de l’AMDE et y ajoute une évaluation semi quantitative de la cricité. Cette dernière peut par exemple être réalisé sur la base des échelles proposées au chapitre 3.1.
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3. – DEROULEMENT

De manière très schématique, une AMDEC se déroule sous la forme suivante :
1) Dans un premier temps, choisir un élément ou composant du système
2) Retenir un état de fonctionnement (fonctionnement normal, arrêt…)
3) Pour cet élément ou composant et pour cet état, retenir un premier mode de défaillance,
4) Identifier les causes de ce mode de défaillance ainsi que ces conséquences tant au niveau du voisinage du composant que sur tout le système,
5) Examiner les moyens permettant de détecter le mode de défaillance d’une part, et ceux prévus pour en prévenir l’occurrence ou en limiter les effets,
6) Procéder à l’évaluation de la criticité de ce mode de défaillance en terme de probabilité et de gravité,
7) Prévoir des mesures ou moyens supplémentaires si l’évaluation du risque en montre la nécessité,
8) Vérifier que le couple (P,G) peut être jugé comme acceptable,
9) Envisager un nouveau mode de défaillance et reprendre l’analyse au point 4),
10) Lorsque tous les modes de défaillances ont été examinés, envisager un nouvel état de fonctionnement et reprendre l’analyse au point 3)
11) Lorsque tous les états de fonctionnement ont été considérés, choisir un nouvel élément ou composant du système et reprendre l’analyse au point 2).
Dans les faits, il est intéressant de se doter de tableaux tant en qualité de support pour mener la réflexion que pour la présentation des résultats.

Tableau 1 : Exemple d’un tableau de type AMDEC

3.1. – ÉQUIPEMENT (COLONNE 1)
Concrètement, il s’agit de passer en revue chaque équipement ou composant identifié lors de la description fonctionnelle. Il est généralement utile de repérer l’équipement considéré à partir des données fournies dans des diagrammes ou autres plans.

3.2. – FONCTIONS ET ETATS (COLONNE 2)
Pour chacun des équipements, il s’agit de lister ses fonctions et états de fonctionnements. Ces fonctions et états sont normalement identifiés au cours de la description fonctionnelle. Afin de mener l’analyse de la manière la plus complète possible, il est indispensable de considérer l’ensemble des états susceptibles de survenir au cours de l’exploitation (ex. fonctionnement normal, arrêt, démarrage, stand-by…)

3.3. – MODES DE DEFAILLANCE (COLONNE 3)
Pour chaque équipement et en fonction de l’état de fonctionnement, le groupe de travail doit envisager de manière systématique les modes de défaillances possibles (Colonne 3).
La définition des modes possibles de défaillance pour un équipement peut être réalisée à partir du retour d’expérience associé à l’exploitation d’équipements similaires, de tests ou essais… Par ailleurs, les modes de défaillance considérés devront tenir compte :

  • Des utilisations du système,
  • Des caractéristiques de l’équipement considéré,
  • Du mode de fonctionnement,
  • Des spécifications relatives au fonctionnement,
  • Des délais fixés,
  • De l’environnement.

Quel que soit le type d’équipement considéré, la liste suivante tirée de la norme CEI 60812:1985 : « Techniques d’analyse de la fiabilité des systèmes – Procédure d’analyse des modes de défaillance et de leurs effets (AMDE) » facilite l’identification des modes de défaillance par le groupe de travail.

Tableau 2 : Modes de défaillance généraux (extrait de la norme CEI 60812:1985)

De plus, cette même norme propose une liste guide de modes de défaillance génériques, qui permet d’aider le groupe de travail dans l’analyse. Cette liste est reprise ci-après. Elle présente une série de modes de défaillance générique pouvant s’appliquer en théorie à tous les cas de figure envisageables. Néanmoins, elle pourra être utilement complétée en vue de tenir compte des spécificités du système étudié.

Tableau 3 : Modes de défaillance génériques (extrait du tableau II de la norme CEI 60812:1985 )

3.4. – CAUSES DE DEFAILLANCE (COLONNE 4)
Pour chaque mode de défaillance, le groupe de travail doit ensuite identifier les causes potentielles conduisant à ce mode de défaillance. Un mode de défaillance peut résulter de plusieurs causes, qu’il convient donc d’inventorier et de numéroter pour plus de facilité.
La liste présentée dans le Tableau 8 précédent permet également de préciser des causes de défaillance dans la mesure où ces causes peuvent parfois s’apparenter à des modes de défaillance. Par exemple, un mode de défaillance d’une vanne devant se fermer peut être « Ne se ferme pas » (mode de défaillance n°6). Une des causes de ce mode de défaillance peut être un blocage physique ou coincement (mode de défaillance n°2).
Enfin, il convient de tenir compte des défaillances possibles sur les équipements adjacents du système. L’évaluation des effets d’une défaillance d’un élément peut effectivement conduire à l’occurrence d’un mode de défaillance sur un autre élément du système. Il est ainsi nécessaire de veiller à l’adéquation entre les effets de défaillance considérés au cours de l’analyse et les causes d’autres modes de défaillance envisagés.

3.5. – EFFETS DE LA DEFAILLANCE (COLONNES 5 ET 6)
De la même façon que le groupe de travail s’est attaché à identifier les causes potentielles de défaillance, il doit examiner les conséquences de cette défaillance, au niveau du composant lui-même tout d’abord (colonne 5) puis au niveau du système global (colonne 6).

3.6. – MOYENS DE DETECTION (COLONNE 7)
Pour le mode de défaillance envisagé, le groupe de travail examine et consigne ensuite les moyens prévus pour détecter ce mode de défaillance.

3.7. – DISPOSITIFS DE REMPLACEMENT (COLONNE 8)
Toutes les dispositions prises, par exemple au niveau de la conception de l’installation, en vue de prévenir ou atténuer l’effet du mode de défaillance doivent alors être examinées. Cette étape, dont les résultats sont consignés en colonne 8, vise d’une certaine façon à caractériser le comportement du système lorsqu’un de ces composants est affecté par un mode de défaillance.

3.8. – EVALUATION DE LA CRITICITE (COLONNES 9 ET 10)
Les colonnes 9 et 10 permettent de consigner les évaluations réalisées par le groupe de travail de la probabilité du mode de défaillance (P) et de la gravité associée à ses conséquences (G). Cette approche permet de mesurer l’influence des barrières de sécurité mises en place et de juger de la pertinence d’envisager de nouvelles barrières au regard du risque présenté.
En pratique, il est parfois difficile de disposer de données précises et fiables pour procéder de manière fine à cette évaluation. On pourra alors se référer utilement à des échelles de cotations à plusieurs niveaux de probabilité et de gravité, semblable à celles présentées au paragraphe 3.3.3.1. Rappelons que les échelles de gravité et probabilité quels que soient les formats finalement retenus, doivent êtres présentés et acceptées en début d’analyse.
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4. – LIMITES ET AVANTAGES

L’AMDEC s’avère très efficace lorsqu’elle est mise en ?uvre pour l’analyse de défaillances simples d’éléments conduisant à la défaillance globale du système. De par son caractère systématique et sa maille d’étude généralement fine, elle constitue un outil précieux pour l’identification de défaillances potentielles et les moyens d’en limiter les effets ou d’en prévenir l’occurrence. Comme elle consiste à examiner chaque mode de défaillance, ses causes et ses effets pour les différents états de fonctionnement du système, l’AMDEC permet d’identifier les modes communs de défaillances pouvant affecter le système étudié. Les modes communs de défaillances correspondent à des événements qui de par leur nature ou la dépendance de certains composants provoquent simultanément des états de panne sur plusieurs composants du système. Les pertes d’utilités ou des agressions externes majeures constituent généralement des modes communs de défaillance.
Dans le cas de systèmes particulièrement complexes comptant un grand nombre de composants, l’AMDEC peut être très difficile à mener et particulièrement fastidieuse compte tenu du volume important d’informations à traiter. Cette difficulté est décuplée lorsque le système considéré comporte de nombreux états de fonctionnement. Par ailleurs, l’AMDEC considère des défaillances simples et peut être utilement complété, selon les besoins de l’analyse, par des méthodes dédiées à l’étude de défaillances multiples comme l’analyse par arbre des défaillances par exemple.

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