Les points forts et les limites des outils d’analyse des risques.

1. – POINTS FORTS DES OUTILS D’ANALYSE DES RISQUES

Le chapitre précédent a présenté les avantages et les limites associés à chacun des outils d’analyse des risques présentés dans ce document. Quelles que soient leurs caractéristiques particulières, l’utilisation d’outils d’analyse des risques tels que ceux présentés dans ce document présente des avantages généraux.

1.1. – CARACTERE SYSTEMATIQUE
Le premier avantage des outils d’analyse des risques réside dans leur caractère systématique. En effet, ces derniers permettent d’envisager de manière méthodique, les différentes situations de dangers et évènements redoutés ainsi que leurs causes et conséquences.
Cet aspect systématique est particulièrement important en vue d’identifier les situations de dangers de la manière la plus exhaustive possible. Par ailleurs, ces outils permettent d’apporter des éléments techniques pour juger de la maîtrise des risques à la source, grâce notamment à l’identification de barrières de sécurité existantes ou à envisager face aux risques considérés. Cette maîtrise des risques ne peut effectivement être démontrée que si l’ensemble des causes et conséquences physiquement envisageables a été envisagé. A l’échelle d’un site industriel, ce travail peut s’avérer complexe et ces méthodes constituent ainsi une aide précieuse pour guider la réflexion.

1.2. – OUTILS D’ECHANGE ET DE COMMUNICATION
La plupart des outils d’analyse des risques trouvent leur pleine efficacité lorsqu’ils sont mis en ?uvre au sein d’un groupe de travail pluridisciplinaire. A ce titre, ces outils constituent un outil d’échange et de communication entre des personnes de sensibilités et de métiers différents.
Ainsi, la richesse de ces méthodes ne se trouve pas dans leurs principes de base, mais bien dans l’expérience réunie au sein de ce groupe de travail. Les réunions ainsi menées permettent donc de partager des expériences diverses et de réfléchir de manière globale et réaliste à la sécurité de l’installation examinée.

1.3. – COMPLEMENTARITE DES OUTILS
Comme nous l’avons vu précédemment, ces outils d’analyse des risques sont généralement complémentaires. Des méthodes assez simples telles que l’APR permettent d’identifier les risques principaux associés à une installation ainsi que les barrières de sécurité qui y sont adjointes. Cette première analyse peut être utilement complétée par une analyse plus fine grâce à des méthodes comme l’AMDEC ou l’HAZOP, en faisant porter l’étude sur les parties particulièrement critiques de l’installation. En dernier lieu, les résultats de cette nouvelle phase d’analyse peuvent donner matière à l’examen d’évènements jugés critiques grâce à des outils permettant de combiner les défaillances tels que l’analyse par arbre des défaillances ou arbre des causes.
Cette diversité permet donc de retenir les outils les plus adaptés au cas particulier à traiter et de pouvoir assurer une analyse en profondeur d’une installation en utilisant des outils de plus en plus dédiés à des parties bien définies de ce système.

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2 – LIMITES INHERENTES AUX METHODES D’ANALYSE DES RISQUES

2.1. – RISQUES D’AGRESSIONS EXTERNES
Bien que les outils présentés dans ce document puissent considérer l’éventualité d’agressions externes affectant l’installation étudiée, ils sont principalement dédiés à l’identification des risques générés par cette installation sur son environnement.
En d’autres termes, il est indispensable de mener au préalable une phase d’identification des sources d’agressions externes comme celles associées à la possibilité d’effets dominos, aux conditions climatiques ou environnementales (foudre, séismes…) ou aux actes de malveillance.
Par exemple, dans le cadre d’une étude des dangers qui vise à l’identification et la maîtrise de tous les risques possiblement envisageables, l’analyse des risques ne se résume pas à l’utilisation d’une APR ou d’une AMDEC par exemple, mais doit également intégrer l’utilisation d’outils dédiés aux risques d’origine externe. A titre d’exemple, signalons que l’étude des dangers doit s’accompagner d’une étude foudre lors d’une procédure de demande d’autorisation d’exploiter.

2.2. – ESTIMATION DU RISQUE
Les outils d’analyse des risques permettent au groupe de travail d’estimer les risques en terme de probabilité et de gravité. Au niveau de l’analyse des risques, cette estimation des risques est effectuée de manière simplifiée et ne doit pas être considérée comme un outil précis d’évaluation. Cette phase vise simplement à donner des indications sur les risques jugés a priori les plus importants en vue d’envisager de la manière la plus efficace possible, les mesures de prévention et de protection devant être engagées. En effet, il est quelques fois impossible de juger a priori de la gravité d’un accident potentiel tant le nombre de paramètres intervenant dans les résultats est important. C’est notamment le cas pour les rejets à l’atmosphère de gaz toxiques.
En résumé, la phase d’estimation des risques suite à l’utilisation de ces méthodes permet notamment d’identifier les risques les plus importants. Pour ces risques jugés les plus critiques, une évaluation plus fine de la gravité demeure indispensable. Cette évaluation est effectuée à partir de scénarios d’accident et moyennant l’utilisation de modélisations plus ou moins complexes selon les phénomènes à traiter et l’environnement du site.

2.3. – EXHAUSTIVITE
Tous les outils systématiques d’analyse des risques visent à tendre vers le plus d’exhaustivité possible. Néanmoins, force est de constater qu’il est impossible de garantir une exhaustivité totale. En d’autres termes, leur utilisation ne garantit pas une identification complète de toutes les causes potentielles d’un accident majeur car :
* La richesse de ces méthodes s’appuie sur l’expérience acquise au sein du groupe de travail. Il semble néanmoins humainement impossible d’envisager toutes les causes possibles d’un accident potentiel. Ce constat apparaît d’autant plus vrai que l’on traite le plus souvent d’évènements ou de combinaisons d’évènements particulièrement rares.
* La qualité des résultats et leur caractère exhaustif dépendent également du temps et des moyens consacrés à l’analyse. Plus ces moyens seront importants, plus on tendra vers une exhaustivité totale. Cette remarque met en outre en lumière l’importance du caractère itératif de l’analyse des risques.

En résumé, retenons donc que l’utilisation d’outils d’analyse des risques tels que ceux présentés dans ce document constitue une aide précieuse pour l’identification des risques mais ne garantit pas à 100 % que tous les accidents susceptibles de survenir auront bien été identifiés.

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3. – CAS PARTICULIER DE L’ETUDE DES DANGERS

L’étude des dangers réalisée sous la responsabilité de l’exploitant a notamment pour objectifs d’identifier les potentiels de danger présents sur un site, d’analyser les risques d’accidents majeurs et d’en démontrer la bonne maîtrise.
La problématique des accidents majeurs est particulière en ce sens qu’il s’agit le plus souvent d’évènements rares résultant de la combinaison de plusieurs évènements ou de dérives très importantes de certains paramètres. Les outils d’analyse des risques présentés dans ce document n’ont pas été développés spécifiquement pour la thématique des accidents majeurs. Il y a alors lieu d’adapter les outils d’analyse des risques aux besoins particuliers de l’étude des dangers.
Le tableau suivant présente ainsi un outil utilisé à l’INERIS dans le cadre de l’analyse des risques d’accidents majeurs.

Tableau 1 : Exemple d’outil pour l’analyse des risques d’accidents majeurs

  • (1) Cette première colonne permet d’identifier une dérive ou une défaillance d’origine. Ces dérives ou défaillances sont envisagées en suivant un canevas proche de l’HAZOP et à partir de l’analyse des accidents passés ou de l’expérience du groupe de travail.
  • (2) La colonne « Causes » permet de lister, pour chaque dérive ou défaillance d’origine, l’ensemble des évènements pouvant conduire à cette dérive ou défaillance. Cette identification doit être réalisée de la façon la plus exhaustive possible. Le cas échéant, il est possible d’indiquer dans cette colonne les combinaisons de causes nécessaires à l’apparition de la dérive (exemple : percement par corrosion et source d’inflammation conduisant à un feu torche)
  • (3) Pour chaque dérive ou défaillance, la colonne « Conséquences » détaille les conséquences des évènements identifiés. Il est important d’exprimer ces conséquences en termes de dommages observés au niveau des cibles et non d’intensité d’un phénomène dangereux afin de faciliter la cotation de la gravité.
  • (4) La colonne 4 « G » permet au groupe de travail d’indiquer la gravité de l’accident en supposant qu’aucune mesure de sécurité ne fonctionne. Il s’agit en effet d’estimer la gravité a priori de l’accident en vue démontrer par la suite que les mesures sont correctement dimensionnées vis-à-vis des dommages qui seraient observées. Cette cotation permet également d’identifier les scénarios d’accidents majeurs comme les scénarios présentant une gravité maximale. Pour réaliser cette cotation, on pourra utiliser une échelle inspirée du Tableau 2 après négociation avec le groupe de travail.
  • (5) Cette colonne permet de lister les mesures de sécurité mises en place par l’exploitant pour maîtriser le scénario envisagé. Il est important de bien rapporter ces mesures aux causes et aux conséquences identifiées au préalable.
  • (6) Les mesures de sécurité (prévention et protection) mises en place permettent de réduire la probabilité d’observer les dommages maximaux au niveau des cibles. Cette colonne permet d’estimer ce niveau de probabilité en intégrant le bénéfice apporté par les mesures de sécurité. L’échelle présentée dans le Tableau 3 pourra servir de référence pour cette cotation
  • (7) Sur la base du couple (P ;G) estimé et d’une grille de criticité préalablement définie (voir Tableau 4), le groupe de travail peut être amené à proposer des mesures de sécurité complémentaires afin d’améliorer le niveau de maîtrise des risques.
  • (8) En fonction des mesures proposées, une nouvelle estimation des risques peut être nécessaire. Pour ce qui concerne l’indice G, seules les mesures visant à diminuer les potentiels de dangers ou éloigner ces potentiels des cibles peuvent contribuer à réduire la gravité potentielle d’un accident.
  • (9) La colonne P permet enfin d’estimer le niveau de probabilité P en tenant compte des nouvelles mesures proposées. A ce stade, le nouveau couple (P ;G) doit se trouver en dehors du domaine des risques inacceptables défini par la grille de criticité.

Cet outil est finalement assez proche de l’APR et de l’HAZOP.
En conclusion, retenons simplement qu’il est souvent indispensable d’adapter les outils d’analyse des risques et de ne pas s’enfermer dans un canevas méthodologique trop rigide et clairement inadapté à la problématique étudiée.

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